• Lecture analytique 9= Tristan et Iseult

     Chapitre XXXVI : La mort des amants

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    Le vent fait rage, il soulève les vagues, la mer s’émeut jusqu’en ses profondeurs, le ciel s’assombrit et une brume épaisse s’étend sur les flots noirs. Il pleut, il grêle ; au ciel s’amassent les nuées, sur le bateau boulines et haubans se brisent avec fracas. On amène le mât et l’on avance en louvoyant avec le vent et la lame. Iseult la blonde, saisie par le spectacle de cette tempête, s’adresse à Tristan comme s’il pouvait l’entendre : « Dieu ne veut pas me laisser vivre assez pour te revoir, ô mon ami ! Il a décidé que je périrais noyée dans la mer. Tristan, si j’avais pu te parler encore une fois, je n’aurais fait aucun cas de ma mort. Mais il ne dépend pas de ma volonté que je sois près de toi à cette heure ; si Dieu l’avait permis, je serais déjà occupée à soulager ton mal. Ami, c’est ici la fin de mon rêve ! Je pensais mourir dans tes bras et reposer avec toi dans un même tombeau. Hélas ! c’est encore une illusion qu’il nous faut perdre ! »<o:p></o:p>

    Pendant deux jours, l’orage et la tempête sévirent sur la mer ; le troisième, le vent s’apaisa et le beau temps revint. Kaherdin, en regardant au loin, vit surgir dans la brume les falaises de la côte bretonne. Tout heureux, il fit déployer au plus haut la voile blanche afin d’annoncer à Tristan la bonne nouvelle : Iseult la blonde arrive ! On était à la fin du délai de quarante jours environ que Kaherdin avait fixé à Tristan pour la durée totale du voyage. Comble d’infortune : voici que le vent mollit, le soleil chauffe. La mer se met au calme plat, la nef de se meut ni d’un côté ni de l’autre et se laisse bercer par le clapotis des vagues. Les marins en sont exaspérés : la terre est là sous leurs yeux, toute proche, et nulle brise ne les y pousse. Les voilà dans le pire embarras.<o:p></o:p>

    Durant ce temps, Tristan dolent et las, souvent se plaint, souvent soupire pour Iseult qu’il désire tant. Il tord ses mains et ses larmes coulent. En ce chagrin, en cette angoisse, il voit sa femme s’avancer devant lui ; elle s’avise d’un perfide artifice et lui dit : « Voici Kaherdin qui arrive ! J’ai aperçu sa nef au loin sur la mer. Je suis sûre que c’est la sienne. Dieu veuille qu’il vous apporte une nouvelle dont vous aurez du réconfort ! » A ces mots, Tristan sursaute et dit : « Belle amie, êtes-vous bien sûre que ce soit la nef de Kaherdin ?_ N’en doutez point ; je l’ai bien reconnue. _ Dites-moi, je vous prie, ne me le cachez pas : de quelle couleur est la voile qui flotte sur sa vergue ? » Iseult répond d’une voix qu’elle veut assurée : « La voile est noire ! » Tristan ne réponds pas un mot. Il se retourne vers le mur, puis il dit : « Iseult, vous n’avez pas voulu venir auprès de moi ! Pour votre amour, il me faut aujourd’hui mourir ! » Puis, après un court instant, il ajoute d’une voix éteinte : « Je ne puis plus longtemps retenir ma vie. » Par trois fois il prononça : « Iseult amie ! » ; à la quatrième, il rendit l’âme.<o:p></o:p>

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